Les obligations à rendement réel

Elles peuvent fournir une protection contre l'inflation, mais...

Morningstar Equity Analysts 28 février, 2010 | 17:51
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L'année dernière, les gouvernements et les banques centrales du monde entier ont mis tout en oeuvre pour confronter la pire crise économique et financière mondiale de l'après-guerre. Cette approche jusqu'au-boutiste a fait des merveilles pour les marchés des actions et du crédit en 2009, mais elle a alimenté des craintes d'un tout autre ordre : celles de l'inflation.

 

De nombreux observateurs, notamment les fanatiques de l'or, avancent depuis de nombreuses années qu'une masse monétaire en expansion jumelée à une quantité fixe de biens conduirait à une augmentation généralisée des prix, et cette vue a récemment trouvé un renouveau d'actualité alors que les décideurs s'appuient résolument sur des politiques monétaires et fiscales expansionnistes pour lutter contre la récession.

 

Les craintes d'inflation ont poussé de nombreux investisseurs à se précipiter sur les actifs réels comme l'or, dont le prix a connu une forte poussée ces dernières années. Un autre outil dont peuvent bénéficier les investisseurs particuliers est l'obligation à rendement réel. Que l'on utilise un courtier pour y participer par le truchement d'une obligation unique ou que l'on achète des parts d'un des fonds communs qui se spécialisent dans ce secteur, les investisseurs doivent comprendre comment fonctionnent les obligations à rendement réel et ce qu'en sont les risques.

 

Comment les obligations à rendement réel fonctionnent-elles?

 

Comme leurs homologues classiques, les obligations à rendement réel (ORR) fédérales bénéficient de la confiance et du crédit entiers du gouvernement. À la différence d'autres obligations, le paiement de leurs coupons et leur principal sont ajustés selon les niveaux d'inflation mesurés par l'indice des prix à la consommation (IPC).

 

Avec les obligations gouvernementales classiques, on sait combien d'argent on recevra à l'échéance -- ce qu'on ne sait, pas, c'est ce que va être leur pouvoir d'achat. Avec les ORR, on connaît le pouvoir d'achat mais pas le montant.

 

Parce que les ORR ajoutent le niveau d'inflation à leurs versements, leurs rendements nominaux sont plus bas que ceux des obligations gouvernementales classiques à échéance égale. Cette différence de rendement correspond au taux d'inflation au-dessus duquel les investisseurs dans les ORR commencent à bénéficier. Ce taux d'équilibre représente un substitut raisonnable pour le taux annuel d'inflation prévu entre le moment actuel et l'échéance de l'obligation, ou le montant de l'inflation incorporé au marché à un moment particulier. Bien sûr, les facteurs de l'offre et de la demande entrent eux aussi en jeu. S'il y a une forte demande de protection contre l'inflation, les investisseurs vont accepter un revenu plus bas des ORR. Comme pour tout, le meilleur moment d'acheter n'est pas celui où l'on se bouscule au portillon.

 

Quels sont les risques?

 

Bien que les obligations à rendement réel soient qualifiées à juste titre de placement prudent, il y a d'importants risques à considérer, et il y a encore des cas où les investisseurs peuvent finir mal en point s'ils s'en procurent.

 

Le plus important de ces risques est la durée. La durée mesure la vulnérabilité d'une obligation aux changements des taux d'intérêt, et tend à s'accroître lorsque les échéances sont plus longues. Les ORR sont des obligations de longue durée, et elles sont donc assez sensibles aux taux d'intérêt. Si l'on considère que les rendements sont à présent extrêmement bas selon les normes historiques, ils ne manquent donc pas de place pour monter, ce qui ferait chuter les cours des obligations. Les détenteurs d'ORR seraient partiellement protégés de ces dommages dans ce scénario, si une augmentation de l'inflation accompagnait la hausse des taux d'intérêt, mais cette corrélation n'a rien d'assuré.

 

Un autre facteur de risque est la liquidité. Les ORR ne se négocient pas aussi souvent que d'autres obligations classiques, et il peut donc s'avérer plus onéreux d'acheter et de vendre des positions, surtout dans un environnement de panique comme celui que nous avons connu en 2008.

 

Les risques de durée et de liquidité n'ont de chances de causer des problèmes que pour les investisseurs qui cherchent à encaisser leur argent avant l'échéance, parce que le prix du marché peut avoir baissé. Ceux qui sont prêts à s'accrocher jusqu'au bout peuvent surmonter de tels effets -- encore qu'avec des échéances qui peuvent aller jusqu'à trente ans, un horizon à long terme signifie véritablement du long terme.

 

De plus, il y a un risque lié à la participation à l'inflation elle-même. Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, il y a un certain niveau d'inflation incorporé à chaque obligation le jour où on l'achète, et en vous protégeant contre l'inflation, ce que vous faites réellement est de miser sur le fait qu'elle va dépasser le point original. Si elle s'avère plus basse, vous pourriez vous exposer à des pertes non réalisées avant l'échéance, ou à une valeur de réalisation plus basse que ce que vous auriez gagné avec une obligation classique.

 

Et puis il y a aussi certains risques mineurs, comme le changement du calcul officiel de l'IPC, ou la présence dans l'indice de l'inflation de toute une série de choses qui ne concordent pas avec la façon dont vous dépensez votre argent. Les distances que vous parcourez en automobile ou en avion peuvent vous dicter votre niveau de préoccupation vis-à-vis du prix de l'essence. En fin de compte, il n'y a pas d'instrument financier susceptible de vous garantir que votre pouvoir d'achat personnel sera entièrement isolé des effets de la hausse des prix.

 

Quel rôle peuvent-elles jouer dans votre portefeuille?

 

Ceux qui songent aux obligations à rendement réel devraient d'abord garder à l'esprit à quel point ils veulent ou ont besoin de protection contre l'inflation. Si vous avez une hypothèque sur votre maison avec un taux fixe s'étendant assez loin dans l'avenir, l'inflation peut en fait vous être bénéfique alors que vous continuez à payer le même montant d'argent -- dont la valeur diminue -- pour vous acquitter du service de votre dette. Si vous êtes dans cette situation, il se pourrait que vous n'ayez pas besoin d'une mise supplémentaire sur l'inflation du côté de l'actif de votre bilan personnel.

 

Et puis il y a l'argument pessimiste par rapport à l'inflation. Les récessions peuvent causer une pression déflationniste importante, alors que l'endettement est répudié et que l'augmentation du niveau du chômage force les consommateurs à réviser leurs habitudes à la baisse. Il est très possible que même des mesures extraordinaires prises par les banques centrales soient impuissantes à endiguer la marée de la chute des prix au cours de cette phase du cycle économique. Dans l'hypothèse peu plausible qu'une déflation sévisse pendant toute la durée de vie de l'obligation, les investisseurs retireraient en fait moins que leur capital à l'échéance.

 

Argument baissier mis à part, si vous voulez vous prémunir contre l'inflation, il vaut également la peine d'examiner d'autres façons d'y arriver. L'or et d'autres marchandises sont souvent montrés en exemples, mais on peut trouver les mêmes arguments en faveur d'autres biens réels comme l'immobilier, l'art ou les vins fins. Les actions elles-mêmes peuvent offrir un certain niveau de protection contre l'inflation, si l'on est en droit d'attendre des sociétés que l'on détient qu'elles répercutent leurs augmentations de coûts sur leurs consommateurs.

 

Chacune de ces participations présentent des risques qui lui sont propres, et les ORR représentent peut-être la façon la plus directe de se parer contre la possibilité qu'à l'avenir, un dollar ne permettra pas d'acheter autant que maintenant. Une participation à cette catégorie d'actifs peut donc s'avérer logique pour les investisseurs particuliers, en tant que complément d'autres placements et en appliquant, comme toujours, les règles normales de diversification.

 

 

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A propos de l'auteur

Morningstar Equity Analysts  Morningstar stock and fund analysts cover 2,000 mutual funds, 2,100 equities, and 300 exchange-traded funds.